Lors de la troisième session du Mooc Fantasy, organisé par l’Université d'Artois, le 22 mai 2017, j’ai créé le personnage de Silaid et en ai écrit la naissance ainsi que le premier voyage. Je remercie mes amis correcteurs de Scribay : - Kyllyn' –, Daegann, R. F. Castel, Neru, Vis9vies, Maioral, DameMoria, QdNox, Camille20, Renard, Gaëlle N. Harper, Siana Blume. Image de fond de Mysticsartdesign.
Que s’est-il passé après la « mille et unième nuit » ? Et si Shahrâzâd avait conçu un enfant avec le roi Shâhriyâr. Une fille atteinte d’un terrible fléau. Laissez-moi vous conter son histoire.
Entre les Marches du Légendaire et Bannières s’élève un inselberg de trois cents toises de hauteur, aux parois si abruptes qu’aucun être humain n’a jamais réussi à les gravir. De forme elliptique, il s’étire sur environ huit lieues d’est en ouest, et quinze du nord au sud. C’est sur son plateau que s’étend le mystérieux monde perdu de Sir Arthur Conan Doyle.
Au nord du monde perdu, une dislocation tectonique s’est ouverte à la base de l’inselberg. Il s’agit d’une rupture sans déplacement visible, mais avec écartement, atteignant désormais une largeur d’environ soixante toises. Elle se referme, plus loin, à deux lieues du Pays Imaginaire — signe probable de l’existence de deux plaques dans cette région du Mooc.
Au sud, une vaste zone marécageuse, instable, s’étend et se contracte, se déplace comme une vermine.
C’est pourquoi, pour voyager des Marches du Légendaire à Bannières — ou inversement — il faut passer par le Pays Imaginaire ou par Mediatika.
Au nord, il existe bien quelques pistes menant à des ponts de corde qui permettent de franchir la rupture, mais ceux-ci sont souvent rompus… pour diverses raisons.
L’inselberg du Pays Perdu est lui-même traversé d’est en ouest par un canyon sinueux, large de deux à six toises selon les passages. Au fond coule le Coursprofond, un nom qui ne manque pas de pertinence. Tout au long de son parcours, le Coursprofond est bordé par la sente du Fol, un chemin qui porte bien son nom.
La sente du Fol, large d’un pied à une coudée, est faite tantôt de rochers bruts, tantôt de galets glissants. Tantôt située à dextre, tantôt à senestre du Coursprofond, elle oblige à traverser gués et à bondir d’une rive à l’autre. Impossible de s’y croiser. Certains passages restent submergés même quand le Coursprofond est à son plus bas niveau.
Lors de fortes pluies, dans les zones les plus étroites, le niveau de l’eau monte de deux toises en quelques minutes, emportant tout sur son passage. Jadis, des coupe-jarrets s’y cachaient, mais jamais à plus de cent toises de la sortie. Comme le dit l’adage : « La sente du Fol, même le Fol, jamais ne prendrait. »
Très peu ont réussi la traversée.
Long de dix lieues, le défilé serpente, s’élargit puis se rétrécit. Le Coursprofond alterne entre bouillonnement furieux et calme paisible.
À environ une lieue de Bannières, la rivière forme une cascade. En contrebas, à une toise du pied de la cataracte, la paroi sénestre du canyon effectue un virage dextrogyre de quarante-cinq degrés, tandis que la paroi dextre tourne elle aussi de cent soixante degrés dans le même sens, créant une poche avant de redevenir parallèle à la paroi sénestre, permettant au torrent de reprendre son cours.
Cette poche s’appelle « La Crique aux Loups ». Elle mesure dix toises de large à son ouverture, trente de profondeur et vingt de largeur.
Ses parois, loin d’être verticales, ont la forme d’un entonnoir parfaitement lisse, suffisamment inclinées pour qu’un aventurier ayant atteint le monde perdu puisse s’y laisser glisser sans trop de dégâts — mais pas assez pour en rendre l’ascension possible.
Devant la Crique aux Loups, le Coursprofond devient un torrent furieux sur une centaine de toises, jusqu’à l’élargissement du canyon.
La Crique aux Loups se divise en trois secteurs rayonnants. Le premier, adjacent au cours naturel du Coursprofond, est aquatique et s’étire sur quinze toises dans sa plus grande longueur. Bien que l’eau y soit quelque peu agitée, au-delà de deux coudées elle devient limpide, fraîche et lisse comme un miroir.
Le second secteur est une étendue sablonneuse, longue d’environ cinq toises.
Le dernier est une petite prairie verdoyante, grasse, d’une longueur de dix coudées.
Au cœur de cette prairie pousse un noyer centenaire, foyer d’un couple d’écureuils roux — surprenant dans un lieu où, semble-t-il, seuls les animaux volants ou aquatiques peuvent accéder. Peut-être viennent-ils du monde perdu ? Y a-t-il des écureuils dans le monde perdu de Sir Arthur Conan Doyle ?
La sente, unique voie de continuité dans la pente de la paroi de la Crique aux Loups, large d’une coudée à cet endroit, relie les deux niveaux selon une pente de vingt pour cent.
Le canyon reprend ensuite son cours sinueux, s’élargissant et se rétrécissant au gré du terrain, jusqu’à la sortie de l’autre côté de l’inselberg.
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Note :
Cette carte a été réalisée par l’équipe pédagogique du MOOC « Fantasy, de l’Angleterre victorienne au Trône de fer », organisé par l’Université d’Artois, afin d’illustrer les six thèmes explorés lors de la première session.
Elle a servi de support à « la quête de ThiSBeth », où naquit Roland durant cette première session, ainsi qu’au voyage actuel de Silaid, lors de la troisième session. Lors de la deuxième session, les membres de « La Quête d’Anthéa » y firent une brève incursion.
On ne présente plus Merlin. Prophète, enchanteur, maître des métamorphoses, compagnon des rois et des bêtes, il commande les vents et les orages comme il parle aux corbeaux et aux loups. Sa légende se confond avec mille autres, et chaque peuple en garde une image différente.
Ici, il se fait appeler Lailoken, le nom qu’il portait jadis lorsqu’il vécut captif à la cour du roi Meldred. Nom d’ombre, nom d’exil, qu’il ressuscite chaque fois qu’il doit se dissimuler. Sous ce masque, Merlin peut redevenir anonyme, simple voyageur au manteau élimé, et traverser les mondes sans attirer aussitôt les regards.
Pourtant, même dissimulé, il ne peut s’empêcher de laisser filtrer son aura : une étincelle dans l’air, un silence habité, une sensation que le temps s’épaissit autour de lui. Ses métamorphoses sont plus qu’un don : ce sont des détours, des voies secrètes pour se fondre dans l’ombre du monde.
Le Disciple accompagne Merlin — ou plutôt Lailoken, puisqu’il voyage sous ce nom pour dissimuler son identité. Envoyé auprès de lui par Léonard de Vinci, qui souhaitait s’accorder quelques vacances, le Disciple a été confié à l’Enchanteur comme on dépose un fardeau malicieux à un ami de confiance.
Toujours empressé, maladroit et naïf, il se montre plein de bonne volonté mais rarement à la hauteur des tâches qu’on lui confie. Ses initiatives imprévisibles provoquent souvent plus de désordre qu’elles n’apportent de solutions. Pourtant, son enthousiasme et sa fidélité en font un compagnon que Merlin supporte — parfois avec patience, parfois avec une ironie mordante.
Ainsi, le Disciple est à la fois un boulet et un atout, un empêcheur de tourner en rond qui, par maladresse, ouvre parfois des chemins insoupçonnés.
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Note : Le Disciple est librement inspiré de Basile, personnage de la bande dessinée Léonard, créée par Turk (dessins) et Bob de Groot (scénarios), puis reprise par Zidrou.
Roland mesure une toise, silhouette discrète mais solide, drapée dans une longue houppelande dont le capuchon ne laisse rien voir de son visage. On devine, à sa démarche assurée, qu’il est de ceux qui marchent beaucoup et depuis longtemps, à travers les mondes. Ses bottes usées en témoignent, de même que son bâton : trop épais pour une simple canne, trop orné pour une arme. Ceux qui l’ont entendu se souviennent surtout de sa voix : grave, tranquille, ferme, sans éclats mais impossible à ignorer.
Son identité demeure un secret jalousement gardé. Ceux qui prétendent avoir vu son visage en donnent tous une description différente. Pour les uns, il est marqué par le désert et ses pluies acides, pour d’autres, il porte la beauté austère d’un elfe, ou bien les stigmates des sans-visage de Braavos. Certains murmurent qu’il est un pistolero échappé d’une boucle temporelle, d’autres qu’il est un dragon dissimulé dans une peau d’homme. Chaque récit se contredit, et peut-être est-ce là sa véritable nature : être à la fois toutes ces choses et aucune.
La houppelande qu’il porte n’est pas un vêtement ordinaire mais un shaed, que l’on dit façonné par Felurian elle-même. Dans une de ses poches, une faille a été cousue, tour de magie offert par Nakor l’Isalan : la main de Roland y plonge et en retire ce qu’il désire, parchemins, livres, cartes ou incantations, extraits d’un univers tentaculaire nommé world wide web. On dit qu’il en use pour collecter le savoir, inlassablement, comme un moine errant d’un ordre secret : les Étudiants.
Son bâton est tout aussi singulier : un oo’lu, creux, unique, façonné pour lui par Mathis à la demande de la Mère. Nul autre étranger n’en a jamais reçu un semblable. Les motifs qui l’enlacent semblent parfois changer sous la lumière, comme s’ils respiraient d’une mémoire ancienne. Ceux qui l’ont approché disent qu’il s’y concentre une force endormie, qu’il ne révèle qu’à de rares moments.
Si vous poussez la porte du saloon de l’Honnête John, quelque part dans le couloir entre les mondes, vous entendrez mille rumeurs sur Roland. Ici on le dit dragonnier, là détraqueur, ailleurs assassin. Chacun ajoute son mensonge ou sa vérité, et nul ne sait distinguer l’un de l’autre. Si John vous prend en amitié, il vous confiera peut-être que Roland est un compagnon précieux en quête, capable de tirer d’un revers de manche le document exact qui sauvera la situation. Mais ces confidences ne s’adressent qu’aux ivrognes, car John compte sur l’oubli pour protéger ses secrets.
Et lorsque vous cuverez votre ivresse, si quelques bribes vous reviennent, demandez-vous : était-ce une révélation, ou simplement une légende de plus sur Roland ? Car lui-même, silencieux, ne dément jamais.