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Roland

Roland mesure une toise, silhouette discrète mais solide, drapée dans une longue houppelande dont le capuchon ne laisse rien voir de son visage. On devine, à sa démarche assurée, qu’il est de ceux qui marchent beaucoup et depuis longtemps, à travers les mondes. Ses bottes usées en témoignent, de même que son bâton : trop épais pour une simple canne, trop orné pour une arme. Ceux qui l’ont entendu se souviennent surtout de sa voix : grave, tranquille, ferme, sans éclats mais impossible à ignorer.
Son identité demeure un secret jalousement gardé. Ceux qui prétendent avoir vu son visage en donnent tous une description différente. Pour les uns, il est marqué par le désert et ses pluies acides, pour d’autres, il porte la beauté austère d’un elfe, ou bien les stigmates des sans-visage de Braavos. Certains murmurent qu’il est un pistolero échappé d’une boucle temporelle, d’autres qu’il est un dragon dissimulé dans une peau d’homme. Chaque récit se contredit, et peut-être est-ce là sa véritable nature : être à la fois toutes ces choses et aucune.
La houppelande qu’il porte n’est pas un vêtement ordinaire mais un shaed, que l’on dit façonné par Felurian elle-même. Dans une de ses poches, une faille a été cousue, tour de magie offert par Nakor l’Isalan : la main de Roland y plonge et en retire ce qu’il désire, parchemins, livres, cartes ou incantations, extraits d’un univers tentaculaire nommé world wide web. On dit qu’il en use pour collecter le savoir, inlassablement, comme un moine errant d’un ordre secret : les Étudiants.
Son bâton est tout aussi singulier : un oo’lu, creux, unique, façonné pour lui par Mathis à la demande de la Mère. Nul autre étranger n’en a jamais reçu un semblable. Les motifs qui l’enlacent semblent parfois changer sous la lumière, comme s’ils respiraient d’une mémoire ancienne. Ceux qui l’ont approché disent qu’il s’y concentre une force endormie, qu’il ne révèle qu’à de rares moments.
Si vous poussez la porte du saloon de l’Honnête John, quelque part dans le couloir entre les mondes, vous entendrez mille rumeurs sur Roland. Ici on le dit dragonnier, là détraqueur, ailleurs assassin. Chacun ajoute son mensonge ou sa vérité, et nul ne sait distinguer l’un de l’autre. Si John vous prend en amitié, il vous confiera peut-être que Roland est un compagnon précieux en quête, capable de tirer d’un revers de manche le document exact qui sauvera la situation. Mais ces confidences ne s’adressent qu’aux ivrognes, car John compte sur l’oubli pour protéger ses secrets.
Et lorsque vous cuverez votre ivresse, si quelques bribes vous reviennent, demandez-vous : était-ce une révélation, ou simplement une légende de plus sur Roland ? Car lui-même, silencieux, ne dément jamais.


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